Rendez-vous avec l’Histoire
Accomplissement du destin du Docteur Ali ABDOU MDAHOMA
Par Abdelaziz RIZIKI MOHAMED
Docteur d’État en Science politique
Écrivain, Corbeil-Essonnes, France
Le respect que j’ai pour son immense érudition et sa discrétion intellectuelle m’imposent de l’appeler «Grand Docteur» et, dès qu’il s’agit du Docteur Ali Abdou Mdahoma, je tombe facilement dans l’agonie des superlatifs et des louanges, adoptant un ton proche de celui d’un thuriféraire, même s’il ne s’agit pas de courtisanerie, mais de science. De toute manière, point n’est besoin de s’efforcer pour trouver des qualités intellectuelles avérées au Docteur Ali Abdou Mdahoma qui, après avoir soutenu avec brio et éclat sa Thèse de Doctorat en Lettres à l’Université Paris-Est Créteil le 30 juin 2011, vient de publier celle-ci chez l’Harmattan sous le titre: Le Roman comorien d’expression française. Par cette brillante publication que nous attendions tous avec beaucoup d’impatience, le Docteur Ali Abdou Mdahoma vient de donner une preuve supplémentaire de sa qualité d’universitaire compétent et sérieux, de chercheur qui trouve et d’intellectuel modeste sachant faire œuvre utile.
Le Docteur Ali Abdou Mdahoma a du mérite. Voilà un jeune cadre nommé Conseiller du Président Saïd Mohamed Djohar (paix à son âme) à l’âge de 23 ans et qui, au lieu de gérer et consolider sa situation de rente politique, est parti étudier en France, où ses efforts et sa persévérance ont fini par être reconnus et récompensés de la plus belle manière, et ce, par ce titre de Docteur ès Lettres, qu’il a largement mérité. J’insiste sur le fait que le Docteur Ali Abdou Mdahoma a largement mérité ses palmes académiques.
Ceci est d’autant plus vrai que le Docteur Ali Abdou Mdahoma n’a pas choisi la facilité. Avec un sens aigu des défis, sortant des sentiers battus, il a opté pour le plus rebutant des travaux de recherche: un panorama général sur lequel aucun travail d’ensemble n’existait. Il a écrit sa Thèse et son livre à partir d’un désert scientifique, sans tomber dans un effet catalogue, celui de l’énumération. Il a osé entrer dans les entrailles du Roman comorien, disséquer celui-ci, le présenter avec maestria, familiarisant le lecteur avec les monstres sacrés de notre Roman national, Mohamed Toihiri, Salim Hatubou et bien d’autres, qu’il a su placer devant un lecteur émerveillé, qui devient proche de ces intellectuels brillants que nous gagnerons tous à mieux connaître. Le résultat est là: époustouflant et lumineux.
De fait, le Docteur Ali Abdou Mdahoma a excellé au moins dans deux exercices: d’une part, en lisant son excellent livre, on connaît tout des principales œuvres romanesques des Comores, à telle enseigne qu’on pourrait s’en contenter et, d’autre part et concomitamment, voire paradoxalement, il aiguise au laser la curiosité du lecteur et le pousse à approfondir sa connaissance sur chacun des ouvrages qu’il a étudiés. Cela s’appelle du grand art. Ce faisant, la littérature des Comores, en général, et le Roman comorien, en particulier, doivent beaucoup au Docteur Ali Abdou Mdahoma, qui a eu le mérite de cette étude d’un grand intérêt, faite dans un français lumineux et dans un style cristallin, une étude qui nous entraîne parfois dans les merveilles d’un langage technique parfaitement maîtrisé et qui évite d’être rébarbatif.
Un français lumineux donc, mais aussi un souci du détail utile et de la synthèse habile qu’on retrouve sous la plume incisive de l’auteur. Et quand on achève la lecture du livre du Docteur Ali Abdou Mdahoma, on se dit une seule chose: l’auteur a eu raison d’avoir choisi un thème aussi intéressant. Cet intérêt est d’autant plus réel que le Roman comorien est le pur produit de la société comorienne, qui lui fournit généreusement sa «matière première». Pour s’en rendre compte, il suffirait à peine de signaler les thématiques majeures et récurrentes de ce Roman: Révolution de 1975-1978, mercenariat, Islam comorien, «Grand mariage», notabilité, organisation et hiérarchie sociales, identité comorienne, émigration, déracinement, racisme, séparatisme, Mayotte face aux Comores, malheurs des Comoriens à Mayotte, conflits de générations, croyances populaires, coutumes et remise en cause des coutumes, inceste, pédophilie, enfance face au divorce des parents, dépravation sexuelle, l’amour face aux barrières sociales et raciales…
Faisant preuve d’un sens pratique digne de la remarque, le Docteur Ali Abdou Mdahoma aborde les sujets qui fâchent: les problèmes d’édition du Roman comorien, les aléas de sa distribution, les vicissitudes d’un enseignement comorien qui n’a pas encore attribué au Roman comorien ses lettres de noblesse, une écriture romanesque qui ne nourrit toujours pas son homme…
À travers son écriture, on découvre un Docteur Ali Abdou Mdahoma adoptant la posture d’un écrivain engagé, un écrivain engagé en faveur de l’unité de son pays, engagé en faveur du développement de son pays, engagé en faveur de l’assainissement des mœurs politiques de son pays, mœurs fort éloignées de l’orthodoxie souhaitée en la matière, engagé en faveur d’une meilleure connaissance et d’une valorisation de ce trésor national qu’est le Roman comorien.
Une fois de plus, il faut rendre hommage à l’enseignement public, dont le Docteur Ali Abdou Mdahoma, notamment, est l’un des meilleurs ambassadeurs. Ce qui pose le problème de l’urgente réhabilitation de cet enseignement public comorien, qui constitue notre patrimoine commun, notre grande fierté. Personnellement, j’en suis très fier.
Le Docteur Ali Abdou Mdahoma a eu l’intelligence et la modestie de signaler que son travail ne constitue «qu’» une introduction au Roman comorien, et que de perspectives de plus en plus larges s’ouvrent à l’étude de ce Roman. Mais, en bon père de famille, il a eu la capacité et la ressource d’aller au-delà d’une simple introduction. Au reste, et cela est très important, certains parmi ceux qui ont lu sa Thèse lui demandent déjà d’écrire d’autres essais sur certaines thématiques développées par les romanciers comoriens. «Le traitement du politique dans le Roman comorien» est le sujet le plus suggéré. Je m’associe à cette prière, en me réjouissant de l’émergence d’un nouvel écrivain comorien. Il ne reste plus qu’à souhaiter au Docteur Ali Abdou Mdahoma, natif de Chezani, Mboinkou, en Grande-Comore, la bienvenue dans le monde de l’édition, et à recommander chaleureusement son livre, un livre merveilleux, mais aussi les autres merveilles de la littérature comorienne. En même temps, le livre du Docteur Ali Abdou Mdahoma me console, en m’apprenant que je ne suis pas le seul Comorien dont le livre, Comores: Les Institutions d’un État mort-né (L’Harmattan, Paris, 2001), a suscité la colère des bien-pensants, toujours effarouchés à la moindre évocation des sujets bien réels, mais qui fâchent.
Abdelaziz RIZIKI MOHAMED
Docteur d’État en Science politique
Ali Abdou MDAHOMA: Le Roman comorien de langue française, L’Harmattan, Paris, octobre 2012, 297 p. (28 euros).
© www.lemohelien.com – Mardi 9 octobre 2012.
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